Hello Coach!

Graduation post intégration après les 2 premières semaines de formation

Salut à tous ! Comme promis dans notre dernier article, voici quelques infos sur notre situation en ce début de mois d'août. Les deux derniers mois ont été d'une grande intensité et la douce odeur de vacances se fait sentir. Mais avant, petit flashback sur les deux derniers mois.

"J'ai jamais vu des travaux qui finissent à l'heure". Comme Alain Chabat, et comme 6 mois plus tôt lors de ma fin de chantier chez Vinci en décembre dernier, nous n'avons pu voir un chantier ponctuel pour la première fois de l'histoire du BTP. Grâce à mon expérience chez Vinci, je me sentais parfaitement légitime sur tous les sujets, conduisais le chantier à la baguette et profitais d’une relation privilégiée avec les ouvriers qui me le rendaient par des sourires et des attentions toujours très touchantes. Vraiment une super  expérience.  Me  voilà  prêt  pour  retaper  notre  potentielle  future maison, au grand bonheur d’Albane ! Après deux mois et demi de sprint pour terminer les travaux avant la mousson, nous avons finalement pu ouvrir le centre et accueillir les 20 premiers jeunes le 13 juillet, à notre plus grande satisfaction.

"Nous", c'est l'équipe composée d'Elodie, 28 ans, notre GV Leader, à LP4Y depuis 3 ans, Lisa, 28 ans qui entame sa cinquième année en tant que Coordonnatrice des 5 Green Village, Julien, 31 ans, PM Mobilisation, chargé de recruter 20 jeunes par mois, Noémie, 28 ans, coach, Simran, calcutienne de 23 ans, notre Community Catalyst, qui s'occupe des jeunes hors des heures de travail, Albane et moi. Nous serons bientôt rejoins par un PM Intégration, chargé des partenariats avec les entreprises et du suivi des jeunes une fois partis du centre, et d'une troisième coach lors de l'arrivée de la troisième promotion, portant la population du centre à soixante jeunes, soit vingt par coach.

Pot de départ des ouvriers après 2 mois et demi de travaux

Lisa, Julien, Noémie, Thomas, Elodie, Simran, Albane

Thomas, Elodie, Lisa, Albane, Noémie, Julien

Pour le moment nous avons donc 17 jeunes et c'est largement suffisant pour occuper deux coachs à plein temps. Oui car on n'y croyait plus, mais ça y est, je commence ma mission de coach !! Quel bonheur de se plonger dans la pédagogie pensée et repensée par de nombreux volontaires avant nous, depuis la création d'LP4Y il y a plus de douze ans. Cette pédagogie dont on va parler est en permanente amélioration grâce à l'aide de volontaires comme Albane, chargés de créer les outils et de les améliorer  en collaboration avec les coachs. Quelle joie de rencontrer les jeunes et de se nourrir de leur énergie débordante. Et quelle curiosité de rencontrer chaque jeune femme individuellement, chacune si différente des autres. Je dis chaque jeune femme car le centre recrute exclusivement des femmes, entre 18 et 25 ans. Dans sa lutte contre l'exclusion, LP4Y s'est rendu compte de l'inaccessibilité du monde du travail pour nombre d'entre elles. Par ailleurs, dans les pays concernés, c'est souvent les femmes qui tiennent la maison, qui gèrent les finances du foyer et qui éduquent les enfants, alors si vous voulez changer le monde, cela se fera par les femmes.

Albane et nos voisins que l'on visite chaque semaine

Revenons à la pédagogie. Soyez les bienvenus au Business Game grandeur nature du "Green Village". Cela commence par deux semaines d'intégration, pour comprendre le fonctionnement du centre et apprendre les fondamentaux sur un format de cours. Ils sont donnés par les coachs pour la première promotion, puis en partie par les jeunes lors des prochaines arrivées. Les bases du business, l'utilisation du mail et d'un agenda, ou encore l'élaboration d'un plan d'action et les bases de la communication sont enseignés pendant ces deux premières semaines. Les infos se transmettent plus ou moins bien selon les profils. Les niveaux sont assez disparates mais l'entraide est bien en place. 

Assez de cours, contraire aux principes du coaching, et place au "learning by doing". Pendant deux mois, vous serez en charge d'une des 5 entreprises du centre : Restaurant, Event, Bank, Digital Center et Sustainable Development (responsable de l’entretien du bâtiment et de l’écologie au sein du centre). Vous serez Team Leader, HR, Communication, Production & Stock, Finance, Sales, HSEQ selon votre motivation et vos compétences à la suite d'un entretien d'embauche avec le coach (et les jeunes déjà présents pour les futurs promo). 

A la suite de ces deux mois, 3 semaines de job search pendant lesquelles vous passerez votre temps entre la computer room à chercher du travail, et des déplacements pour des entretiens d'embauche ou des visites d'entreprise. Pendant ces 3 mois de coaching, une allowance (indemnité) de 1220 roupies (13€) par jour travaillé est mis de côté pour vous par LP4Y, qui constituera vos savings (économies) pour vous aider dans vos premières dépenses (téléphone, habits professionnels, loyer…) en quittant le centre, dans l'attente de votre premier salaire. Le principe des savings est souvent très abstrait lorsqu'on doit penser à comment se remplir le ventre pour le lendemain. Trois mois sont nécessaires pour apprendre à gérer son argent et à penser à mettre de côté, alors qu'on à toujours eu l'habitude de vivre au jour le jour.

Julien, Noémie, Thomas, Simran

Remise de diplôme pour le passage de "l'Autonomie step" à la "Management step" de Tanu

En parallèle de ce Business Game, destiné à leur donner une première expérience professionnelle réussie et à leur apprendre à être professionnel, on les accompagne collectivement et individuellement sur leur Life Project Plan. C’est pour moi une des partie les plus intéressantes. On parle de leur futur travail et des moyens à mettre en œuvre pour y arriver, mais aussi de l’importance du lien entre leur projets professionnel et leur vie personnelle. J veut monter une banque associative dans son village pour permettre à tout le monde d’avoir un compte en banque et de faire des économies, A veut devenir infirmière, C veut travailler dans un institut de beauté. 

Certaines ont des rêves précis, d’autres sont un peu perdues. Notre rôle est aussi de leur faire découvrir le champs des possibles, car la plupart ne connaissent que les métiers qu’elle ont  vu  dans  leur  quotidien  (policier,  professeur,  chauffeur  de  taxi,  esthéticienne, infirmière..). D’ailleurs beaucoup veulent devenir policière, pour la fierté de l’uniforme en partie, mais aussi pour l’envie de se faire respecter.

Je suis particulièrement touché par K, qui vient d’une des plus grandes décharges de Calcutta, qui m’avait beaucoup marqué lors d’une visite il y a trois mois, voyant les enfants se battre avec les cochons et se faufiler entre les pelleteuses pour ramasser les déchets les plus précieux. Cette fille, un peu plus noire que les autres,  est  d’une  gratitude  incroyable  qui  m’émeut  beaucoup. Je  ne  suis pas son coach mais son sourire est le rayon de soleil de mes journées.

Le travail sur le Life Project Plan permet aussi à M de se livrer sur ses problèmes familiaux, à S sur l'enfant qu'elle a eu avec son ancien mari qui la battait, à T sur  sa sœur  morte  renversée  par  un  camion  la semaine dernière, à A sur sa sœur violée récemment et à P sur sa peur de se faire marier de force. Le mariage forcé est plus que courant en Inde et toutes les filles présentes au centre ont pour premier désir de « stand on their own feet », d’être indépendante.

Pas toujours facile de se livrer à un homme, dans une langue étrangère qui plus est. M tremblait beaucoup lors de notre premier entretien individuel hebdomadaire, mais on voit vite les progrès avec le temps. Notre « Community Catalyst », Simran, qui s’occupe des jeunes sur leur temps off, nous rapporte aussi des informations nous permettant de mieux les comprendre. C’est une épreuve difficile pour les jeunes d’être loin de leur famille qu'elles n’ont jamais quitté de leur vie. Mais aussi l’occasion pour la première fois de leur vie de se focaliser uniquement sur elles-mêmes, leur projet de vie, loin des tâches ménagères (car c’est évidemment les femmes qui font tout à la maison et les hommes qui regardent) et des problèmes du quotidien.  

C’est intéressant de voir à quel point les jeunes peuvent être mûres sur les sujets de la vie, et gardent leur âme d’enfant malgré les difficultés qu’elles ont traversées. On les retrouve souvent à danser ou jouer à la chaise musicale pendant leur temps libre. Elles demandent la permission pour tout, comme à l'école, et sont bloquées dès qu’on ne leur tient pas le crayon. L’enjeu est de les considérer comme des adultes et de les responsabiliser au maximum, de leur faire prendre des initiatives, de les libérer de toute autorité sur elles pour les préparer à leur nouvelle vie en autonomie et indépendance. 

En dehors de la vie du centre, on n’oublie pas de se faire plaisir avec Albane, avec notamment un super weekend  dans  un  magnifique  hôtel  traditionnel  pour  ses 25 ans.  Spectacle de danse, feu d’artifice, piscine, restau romantique (un peu raté car trop épicé pour Albane haha), lit douillet et the must : la clim !! A 2 heures de vélo du centre à travers les villages et les étangs à rencontrer les habitants, on a dû traverser les rails à l'indienne et le Gange sur un petit bateau pour y accéder, c’était vraiment le top ! 

Trois semaines après l'arrivée des jeunes le centre commence à tourner normalement, en vue de l'accueil de la deuxième promotion d'ici peu. Mais avant cela, deux semaines de vacances bien méritées s’imposent. Ce sont les premières depuis notre arrivée et on en a bien besoin ! Direction le Ladakh pour 4 jours de roadtrip à moto, pour bien s’acclimater avant 9 jours de trek dans les montagnes. Les paysages ont l’air grandioses, on a bien bien hâte.