Green Village West Bengal

Salut à tous ! En ces temps difficiles pour notre pays hôte, un petit mot sur la situation Covid pour commencer,  et oui même ici vous n'y échapperez pas. Retour il y a quelques mois, début 2021, où l'Inde envoyait des vaccins gratuitement à tous ses voisins d'Asie du sud (Népal, Boutan, Bangladesh, Pakistan, Birmanie et Sri Lanka). Modi se voulait alors sauveur de l'Asie, devançant son principal concurrent chinois dans la course à la diplomatie du vaccin. Aujourd'hui, seuls 150 millions d'indiens sont vaccinés dans le monde (soit 11% de la population), le variant frappe fort, presque tout le pays est confiné, et on dit qu'il faudra 2 ans pour vacciner toute la population en tenant le rythme actuel. L'Inde, premier producteur mondial de vaccins, qu'on appelle aussi la pharmacie du monde, est en manque d'oxygène. Le monde, notamment la Chine et même son ennemi juré le Pakistan, ont proposé leur aide à l'Inde, humiliant alors le pouvoir en place. De son côté, devant l'ampleur de la catastrophe et de la communication internationale sur le sujet - l'Inde a toujours été un bon client pour la presse mais attention tout de même aux amplification à outrance et autre vidéos brutes sur le sujet -, le consulat français à obtenu des doses de vaccins pour les derniers ressortissants français présents sur le territoire. Profitant de l'envoi de générateurs d'oxygène par avions cargo de la France, les doses sont arrivées rapidement à Delhi, où des taxi nous attendaient pour nous accompagner nous faire piquer dans un centre privatisé pour nous à cet effet. Même chose dans un mois pour la deuxième dose. Malgré ces deux journées peu attrayantes à se déplacer de l'avion à l'hôpital en passant par 8 heures d'attentes à l'aéroport, la réticence de certains au vaccin face au manque de recul sur ce dernier, sans parler du bilan carbone de ces deux aller-retours à Delhi, la majeure partie des volontaires sont allés prendre le fameux sérum. Pour ma part, l'assouplissement des conditions de déplacement pour les vaccinés a suffi à me convaincre.

Dans une ONG comme dans toute entreprise, l'argent est le nerf de la guerre. Si LP4Y parvient à mobiliser les donateurs à la hauteur de ses ambitions, la plus grande difficulté en Inde vient de l'utilisation de l'argent qui, sous le gouvernement Modi, relève de plus en plus du défi. Le président nationaliste a mis en place des restrictions limitant drastiquement l'utilisation de fonds étrangers pour les organisations à but non-lucratifs. 

Prévue essentiellement pour lutter contre l'avancée de l'Islam, la dernière loi sur le sujet sortie du jour au lendemain, impose à toutes les ONG de faire transiter leurs fonds étranger par une seule banque : la State Banque of India. L'administration Indienne faisant honneur à sa réputation, il faut des mois pour que la création de ces comptes soit validée et donc que les ONG puissent utiliser leur argent. Je vous laisse imaginer la situation à LP4Y, vivant presqu'exclusivement de dons étrangers. Un grand nombre d'autres mesures sont en place pour freiner l'action des ONG non-hindoues, et, l'Inde étant un pays où la corruption frappe à tous les étages, difficile de savoir ce qui est effectif ou pas. Par exemple, l'argent venu de l'étranger ne peut servir à la construction de bâtiments et seules de "légères" rénovations sont tolérées sur des bâtiments existants. La frontière est parfois difficile à cerner, même avec nos propres partenaires. Les association non-Hindoues sont soumises à des audits financiers d'une exigence extrême où la moindre facture de 10 roupies (10 centimes d'euros) pour un déplacement en Toto dont le conducteur ne sait pas écrire, est exigée.

A LP4Y, l'argent sert à trois choses : subvenir aux besoins des volontaires, développer de nouveaux projets (ouverture d'un nouveau centre par exemple), et distribuer de l'argent aux jeunes. Si le principe de la pédagogie LP4Y n'est bien sûr pas de donner mais d'apprendre à gagner, deux types de donations directes ont été mises en place pour les jeunes :

- L'allowanceargent prévu pour aider les jeunes à vivre le temps de leur formation pendant laquelle ils ne sont plus disponibles pour aider leur famille aux tâches ménagères ou au travail.

- Les savings : argent alloué aux jeunes en fin de programme ayant pour but pédagogique de leur apprendre à mettre de côté mais aussi de les aider à vivre pendant leur recherche de travail ou pendant leur premier mois de travail en attente de premier salaire. Chaque semaine, les jeunes voient leur quantité de "savings" augmenter, et comprennent souvent en fin de formation l'intérêt d'économiser quand ils se retrouvent dans le monde du travail et que le champ des possibles s'ouvre à eux (acheter une maison, monter une entreprise etc...). Pour de nombreux jeunes, les économies restent un concept très abstrait alors qu'ils vivent au jour le jour et que "demain" n'est qu'un jour de plus, sans lien avec la veille.

A une époque où l'on emprunte à taux négatif, où les taux d'intérêts immobiliers pour de jeunes cadres en France s'approchent des 1% et où les comptes courants des français n'ont jamais été aussi remplis, économiser peut être pour nous aussi, un concept à redéfinir. Fini le temps des compte épargne à 5%. Fini l'attente de la retraite et le décompte méticuleux des trimestres travaillés.

Nos parents ne nous ont pas attendus pour s'engager pour des causes justes. Et il n'est d'ailleurs nul besoin de partir à l'autre bout du monde pour cela. Mais il reste que les deux milles CV que traite LP4Y chaque année témoignent d'une prise de conscience ou d'une quête de sens flagrante chez les jeunes d'aujourd'hui.

Toutes générations confondues, le travail reste la valeur sûre. Il n'y a que ça qui marche pour accomplir de grandes choses, et en trouver le sens permet de décupler les possibilités tout en diminuant la pénibilité.

Cependant tous les indiens ne seraient peut être pas d'accord sur la notion de travail. J'ai l'occasion d'en faire l'expérience avec la culture indienne en ce moment et je dois dire que nous n'avons pas la même conception du travail. Il faut toujours prendre ses précautions avant de juger en Inde. J'ai commencé par les penser fainéants. Bien-sûr, il y a cette histoire de castes, dont on ne parle pas mais qui existe bel et bien, qui va attribuer des tâches bien précises à certains. Jamais vous ne verrez le propriétaire de notre bâtiment ramasser le moindre déchet. Nous avons pourtant passé des semaines, avec l'aide de dizaines de travailleurs, à nettoyer sa propriété de fond en comble, aux frais d'LP4Y. Ce dernier a pu passer des journées entières à nous regarder sans lever le petit doigt. Ce travail là est réservé aux intouchables. Le chauffeur de camion pour notre déménagement est resté les mains dans les poches pendant une heure sans bouger en nous regardant pendant que nous chargions nos sacs, frigo et autre machine à laver. Et c'est pareil pour chaque livraison. Et c'est avec des yeux ébahis que les travailleurs me regardent lorsque, moi, blanc, je transpire à grosses gouttes en montant des cloisons, passant des rouleaux de peinture pour les futures chambres de notre centre. Une volontaire m'expliquait alors que la passivité est bon signe dans la culture indienne. Chez nous, il faut toujours être affairé, avoir un agenda de ministre est signe d'une vie riche, bien remplie voire épanouie. Ici c'est l'inverse, si bien qu'il peuvent passer un temps incalculable à... ne rien faire. Bon à savoir pour éviter de perdre patience…

En attendant, la patience de travailler avec les jeunes est toujours là, et nous avançons bien pour les accueillir le 29 juin dans un centre flambant neuf avec des coachs (dont je ferai partie) parés à les booster et les envoyer sur le marché du travail décent. Cette aventure de Green Village ne durera cependant qu'un mois pour nous car, comme vous avez pu le voir dans notre dernière vidéo, les Philippines, où LP4Y compte pas loin de 10 centres, ont ouvert leurs frontières. Nous allons donc partir pour Manille où Albane continuera son travail de Project Leader MEI, et où je prendrais mes fonctions de coach dans un pays coupé du monde depuis plus d'un an. Changement d'ambiance radical de ce que m'ont raconté d'autres volontaire sur les Philippins... plus d'infos au mois d'août ! 




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