Kolkata - Chalo !

Kolkata - Chalo !

L'Inde est un pays qui prend du temps et ce proverbe indien est là pour nous le rappeler : chaque européen qui vient en Inde apprend à avoir de la patience s'il n'en n'a pas et la perd s'il en a. Vous l'aurez compris, il est difficile de parler de l'Inde, ou même d'une partie, après un mois seulement sur le terrain. Ce qui va suivre est le reflet de ressentis, témoignages, et de lectures parfois, mais n'a pas vocation à résumer l'Inde.

Un temps capitale économique des Indes Britannique, prospère et dynamique, Calcutta devient dans la deuxième partie du 20eme siècle la capitale de la pauvreté, symbole du tiers-monde. Frappé par les exodes ruraux en parti dus aux sécheresses à répétition ou à la guerres avec le Bangladesh, passant de 100.000 à 14 millions d'habitant au cours du dernier siècle, la ville à bien évidemment eu du mal à accueillir tout ce beau monde.

Mais, si les bidonvilles et les décharges à ciel ouvert font toujours partis du paysage, Calcutta - on dit Kolkata depuis 2001 - semble avoir bien changé depuis la publication du fameux livre La Cité de la Joie en 1985. L'extrême pauvreté semble, au premier coup d'œil, avoir bien reculée.

Le trafic est tolérable même si les campagnes de sensibilisation du gouvernement font sourire ("Safe drive Save life" ou "Obey the trafic rules" sont inscrit sur tous les véhicules de la ville). Les bidonvilles entourant le dispensaire de Mère Thérèsa ont laissés place à de solides constructions en béton. La plupart des tristement célèbres rickshaw, pousse-pousse tirés par des "hommes chevaux", ont disparus. On n'a plus le sentiment de se balader dans la Capitale de la misère.

- Interdits en 1996, plus pour une question d'image de la ville et de fluidification de la circulation que pour une réelle prise de conscience, ils continuent d'exister dans certains quartiers. Les voir trottiner par 40°C tirant leur carriole quand on peine à supporter notre propre poids reste une expérience marquante. -

En voyageuse aguerrie pour Albane ayant déjà passé 6 mois en Inde et averti pour moi ayant connu l'Indonésie et le Népal, le choc culturel nous a paru relativement doux. Le sourire, la curiosité et la simplicité des passants les rendent facile d'accès. La nourriture, si épicée soit-elle, est excellente partout pour qui a l'estomac assez solide.

Calcutta comporte tout de même son lot d'incohérences : des bidonvilles aux pieds des gratte-ciels ultra-luxueux, à la rougeur du panneau "No spit here" couvert de paan (tabac à mâcher donnant un crachat rouge aux indiens), en passant par les sons incessants de klaxons sous des panneaux interdictions de klaxonner, auxquelles votre interlocuteur vous répondra toujours avec un grand sourire : "This is India".

Toujours est-il que pour un occidental, Calcutta est une ville assez agréable à vivre, et nous n'avons pas reconnu les descriptions apocalyptiques de la Cité de la Joie. Pour répondre à une question récurrente : rassurez-vous, la misère, bien présente, et la pauvreté ambiante, ne nous ont pas traumatisés. Notre sensibilité a-t-elle déjà été affectée au point de normaliser l'intolérable ? L'hospitalité et la dignité de ceux qui n'ont rien nous ont-ils fait oublier la précarité de leur condition ? 

Peut-être que notre approche avec LP4Y, avant tout pragmatique et professionnelle, nous permet de garder une certaine distance avec l'injustice que l'on côtoie tous les jours. Nous n'avons pas vocation à être des missionnaires, dans le sens où nous ne vivons pas dans les mêmes conditions de ceux que nous accompagnons, comme aurait pu le faire Mère Thérèsa. Ou comme le font nos amis des Missions Etrangères de Paris (MEP) à Howrah South Point (HSP), ONG voisine fondée par le Père Laborde (proche de Mère Thérèsa), s'occupant d'enfants handicapés, de femmes enceintes et jeunes mamans. Nous sommes au contact, nous vivons le même quartier, mais bénéficions tout de même d'un certain confort permettant à nos corps d'Européens de tenir dans la durée. Une vraie douche, une vraie cuisine, des chambres séparées - et quelques (gros) cafards tout de même - nous attendent en rentrant d'une journée en mobilisation dans les bidonvilles.

Peu de place pour la compassion, mais plus pour l'innovation et l'action. Celle d'Albane est d'accompagner et challenger les coachs de toute l'Asie du Sud-Est concernant leur MEI (Micro Economic Initiative). Pendant leur formation LP4Y, les jeunes sont amenés à gérer un business et/ou à sensibiliser la communauté sur un sujet précis. Cette expérience sera leur premier pied dans le monde du travail. Covid oblige, tous les pays concernés par sa mission sont fermés, et son travail s'effectue donc essentiellement en visio, en attendant d'être transférée aux Philippines où elle pourra être au contact des coachs. 

Pour ma part, en attendant d'être coach, ma mission est de monter un nouveau centre à une heure de Kolkata et s'organise en trois points : 

- Organisation. Le futur Green village devra accueillir loger, nourrir et former 60 jeunes filles en continu, à l'aide de 3 coachs, 1 "GV leader", et des fonctions supports. Trouver un lieu, diriger les travaux, aménagement du lieu : les joies du business à l'Indienne, de ses retournements de situations et du langage des signes, le tout dans un contexte économiquement compliqué. De quoi me faire regretter mon ancien boulot chez Vinci ! Nan je plaisante.

Bâtiment de notre futur centre

Loin du bruit et de la pollution

Thomas faisant mine d'être fils d'agriculteur

- Mobilisation. Trouver des jeunes pour le futur programme de formation en allant directement dans les bidonvilles ou en s'associant avec d'autres ONG connaissant bien le terrain. C'est la partie terrain la plus marquante mais aussi la plus éprouvante. 

En mobilisation dans les bidonvilles de Taratala


Il n'est pas rare de se faire inviter à prendre le Chai (thé sucré au lait) dans un bidonville. Il est aussi courant de voir les hommes et les femmes, de tout âge, faire leur toilettes en public. Un partenaire me confiait que l'hospitalité et la pureté du corps sont deux principes important dans la spiritualité Hindoue. C'est pour cette même raison qu'une peau de banane ou qu'un emballage plastique ne restera pas plus de quelques secondes dans leur main, avant d'être jeté par terre. Ou que le moindre business commencera par un bon plat de sucreries avec un "cold drink". Dommage que l'hindouisme n'ait pas aussi enseigné la pureté de la Terre, car c'est bien la pollution qui m'a le plus marqué en arrivant à Kolkata, au point de nous pousser à porter le masque à certaines heures pour une autre raison que le Covid. Le couché du soleil, matérialisé par une boule de feu cachée derrière un ciel gris opaque, est chaque soir une mise en scène de fin du monde. Si la chaleur a sa part de responsabilité, les fumées de brûlure de déchets plastiques qui envahissent l'air entre 18 et 20h le rendent si nauséabond qu'il est parfois désagréable de sortir en fin de journée.

Femmes et enfants se bâtent avec cochons et pelleteuses pour récupérer les meilleurs déchets


- Insertion et Pédagogie. A la fin des années 60, prenant conscience de la masse de main d'œuvre inemployable dans les campagnes, l'Inde investi des milliards dans le lancement de Vocational Training Center (VTC), centre de formation rapide aux métiers les plus demandés (infirmières, ouvriers du bâtiment, menuisier etc..). Aujourd'hui encore rural à 70%, l'Inde est le pays avec la plus jeune et la plus importante quantité de main d'œuvre mais plus de 80% de celle-ci est employée par l'économie informelle. La lutte contre la corruption que mène le gouvernement doit inévitablement passer par l'inclusion, et donc la formation. Ces formations montrent cependant leurs limites avec un taux de conversion, c'est à dire la durée pour un jeune pour trouver un travail en sortant de ces formations, faible. On peut se demander si les "hard skills" enseignés dans ces VTC permettrons aux victimes de la grande exclusion, qui n'ont pas de papier et dont l'estime d'eux même est à zéro, leur permettrons de trouver un travail. C'est en tout cas l'analyse de John, fondateur d'LP4Y. Savoir travailler le bois lorsqu'on ne peut faire un devis, qu'on à ni papier d'identité ni compte en banque, n'a pas grande valeur ajoutée dans le monde du travail. Aussi simple que cela puisse paraître, "traverser la rue" est une démarche qui ne s'apprend pas en un jour lorsqu'on est exclu de la société depuis qu'on est né. Peut être ne sont-ils pas la cible des VTC. C'est en tout cas celle d'LP4Y : venir montrer aux personnes les plus exclues qu'une alternative est bien possible. Et cela passera d'abord par un apprentissage de "soft skills", apporté par le coaching. 

Cette partie consiste donc à préparer l'insertion des jeunes sortant du programme en trouvant des entreprises partenaires et préparer la pédagogie en fonction de l'écosystème en place autour du centre (par exemple, monter les Micro Economic Initiatives en fonction du besoin de la Communauatué ou des jobs à pourvoir dans les environs). La partie la plus intéressante selon moi, se rapprochant le plus du boulot de coach et du but ultime de l'accomplissement du jeune : trouver un job décent (8h/jour, salaire > 8000 roupies (=95€)/mois). Si tout se passe bien et que le Covid se tient tranquille, je devrais pouvoir vous dévoiler les secrets du coaching selon LP4Y après ma prise de fonction une fois le centre lancé vers la mi-juin !

En dehors du boulot, la vie est belle et nous permet de petites excursions bien sympas, et cerise sur le gâteau, bars et restos sont ouverts !! Pour le moment…

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